Les Tanneries Haas

Installés en Alsace, les tanneries Haas produisent depuis près de 200 ans des cuirs d'exception pour leurs clients, parmi lesquels, de grandes maisons de luxe françaises.

Fournisseurs d'adapta_ depuis le premier jour, nous avons décidé de venir à leur rencontre pour en savoir plus sur le monde de la tannerie.

Philippe Keller et Sébastien Croidieu sont respectivement Direction Opérationnel et Directeur Commercial pour les tanneries Haas. Ils ont tous deux un parcours de plusieurs dizaines d'années dans ce secteur, en France et en Europe.

Ils nous parlent de leur tannerie, de leur métier... et de cuir bien sûr !

Qu’est-ce qui vous a amené à travailler dans le domaine de la tannerie et qu’est-ce qui vous plait particulièrement dans ce métier ?
Nous avons eu la chance de rencontrer des personnes qui ont été des mentors, qui nous ont transmis leur passion du cuir. 
Ce qui nous a attiré, c’est ce contact avec la matière et ses évolutions . Le cuir dégage quelque chose de particulier, par rapport aux autres matériaux, que l’on ne saurait pas expliquer.  Il dégage un visuel extrêmement riche et une sensibilité au niveau des touchers. C’est une matière vivante, il n’y a pas deux peaux semblables.  
Quel que soit notre poste, c’est  toujours la matière qui nous guide dans notre travail  et qui nous amène vers la production, vers le développement. Que ce soit avec les clients (qui achètent très rarement sur catalogue et passent plutôt des commandes sur-mesure) ou avec nos équipes de R&D. 

Quelles sont les caractéristiques qui définissent les tanneries Haas ?

Alors que certaines tanneries travaillent le veau et le bovin, et que les petites peaux sont prises en charge par les mégisseries,  les tanneries Haas ne travaillent que le veau . Nous utilisons principalement un  double tannage, chrome et végétal principalement connu dans notre article Novonappa®. 
La tannerie  prend en charge l’intégralité du processus (environ 6 semaines),  allant de l’achat des peaux dans les abattoirs, au cuir fini. 
Enfin, le contrôle qualité est extrêmement présent dans tout au lo ng de ce  cycle afin de pouvoir réaliser des cuirs de qualité comme le font les tanneries Haas depuis de si nombreuses années.

Pouvez-vous nous parler un peu plus en détail de ce processus de transformation d'une peau en cuir ?

Bien sûr ! C’est un process qui est extrêmement compliqué et long. 
Il commence par le cycle de rivière, qui enlève le poil de la peau et la nettoie.

Ensuite, le  tannage transforme la peau en cuir ce qui la rend imputrescible. Le processus de teinture donne au cuir son coloris.

Puis vient le corroyage humide qui retire l’humidité de la peau. La peau est assouplie lors du corroyage  sec ce qui lui confère ses caractéristiques finales.  A ce stade-là, on obtient un cuir semi fini.

Enfin, toutes les opérations de finition ont pour objectif de donner un aspect visuel à un cuir en y  ajoutant toutes les caractéristiques techniques souhaitées par le client dans son cahier des charges  (résistance à l’eau, à la lumière, aux frottements, etc).


Vous parliez plus tôt de l’attention portée à la qualité, pouvez-vous nous en dire plus ?

Les peaux sont en effet contrôlées à chaque étape du processus de production, et plus particulièrement à quatre stades : peaux brutes, peaux tannées, semi-fini et fini avant  envoi chez nos clients.
Par exemple, après tannage, le premier
 contrôle qualitatif  permet d’orienter les peaux (en fonction des griffures, piqûres etc) vers les différents articles que l’on fabrique.
 Le dernier  contrôle a lieu avant expédition  pour vérifier que le cuir correspond bien au cahier des charges complet du client.


Chez adapta_, on travaille sur les stocks dormants de cuirs qui n’ont pas été utilisés. Pouvez-vous nous expliquer de quoi il s’agit ?

En terme de qualité, c’est exactement la même que celle qu’utilisent nos clients.
Dans notre cycle de production, nous avons régulièrement des surplus, ou des cuirs qui ne correspondent pas, à un moment donné, à l'attente du client pour différentes raisons (couleurs, brillance, épaisseurs etc...). Ces cuirs sont donc mises à dispositions d'adapta_ pour être ensuite vendus à d'autres créateurs qui utilisent de plus petites quantités. Il s'agit d'un circuit vertueux d'upcycling qui permet à chacun d'voir accès à nos cuirs.


Pouvez-vous nous parler des deux types de tannage : végétal et au chrome ?
Il existe en réalité 3 types de tannage, puisqu’aux deux tannages que vous avez cité, il faudrait rajouter les tannages synthétiques. 
Historiquement, du fait d'une forte présence de châtaigner en Alsace, les tanneries Haas utilisaient des extraits végétaux pour son tannage.
Puis, au début du 20e siècle, le tannage au chrome est venu surplanter le tannage végétal, plus complexe à mettre en oeuvre.
Cependant, de nouvelles molécules actuellement en recherche, vont nous permettre dans les années à venir, de diminuer ou supprimer l'utilisation du Chrome.


Pouvez-vous nous dire un mot sur le débat actuel des impacts environnementaux de ces deux types de tannage ?
Il y a encore beaucoup d'inconnus sur ces sujets et de nombreuses études sont en cours.
L'une d'entre elle porte sur l'analyse du cycle de vie des tannages et nous attendons les résultats.


On parle aussi souvent de pollution des eaux avec le tannage au chrome, est-ce que vous pouvez nous parler de vos infrastructures et installations mises en place en interne pour correspondre à toutes les normes françaises et européennes ?
Ce qui nous semble important c’est que nous disposons de notre propre station physico-chimique de traitement, ce qui nous permet de récupérer 99,9% du Chrome mis en œuvre dans nos productions. Cette station nous permet également de traiter une partie de la DBO et toutes les matières en suspension.
Après traitement dans notre station, l’eau est orientée vers la station communale pour un traitement global au même titre que les eaux usées ménagères.
Notre challenge est de diminuer l’utilisation d’eau, de diminuer ou supprimer l’utilisation du chrome ainsi que celle des solvants. Nos finissages sont par ailleurs en milieu aqueux depuis quelques années déjà.
La tannerie (comme d’autres industries) utilise effectivement des produits chimiques. Il y a donc une attention particulière à apporter. Notre industrie est contrôlée par des bureaux d’état (la DREAL), où les cahiers des charges à respecter en terme de rejets sont extrêmement précis et rigoureux.
Des contrôles de nos effluents sont effectués tous les jours.  
La tannerie est une industrie qui a beaucoup évoluée dans les dernières années et qui évoluera certainement plus vite encore dans les prochaines. 


Parlons un peu produit, on dit souvent qu’un cuir qui a été tanné pour de la chaussure peut être utilisé pour de la maroquinerie mais que l’inverse n’est pas possible, est-ce que c’est vrai ?

En règle générale oui, mais vous avez de nombreux contre-exemples. Par exemple, le Novonappa ®  est un cuir qui a un rendu très naturel (c’est d’ailleurs en partie ce qui fait sa renommée). Mais cela implique une sensibilité à la lumière et une fragilité face aux griffures, et malgré ça, on l’utilise pour la maroquinerie.

En chaussure, tout dépend de ce que vous voulez en faire : une petite ballerine avec un cuir qui n’évolue pas ? Une chaussure avec un cuir un peu plus sportif qui va se cirer, se patiner. ? En fonction de cela, il faudra que vous ayez un cuir adapté en face (l’élasticité par exemple). C’est donc difficile de répondre par ou  oui ou non et  c’est pour ça que le conseil est important.


Je voulais revenir sur vos collaborations avec vos clients... Nous avons parlé des grandes maisons de luxe, mais je vois souvent des petits acteurs qui sont béats devant vos cuirs mais qui ont l’impression que vous n’avez pas envie de travailler avec eux. Est-ce lié au mode de production qui exige des minima de quantité

Effectivement, ce n’est pas une contrainte commerciale mais bien industrielle , au regard de nos exigences de qualité. Nous avons des équipements, et notamment tannages et teintures (des foulons) pour lesquels il faut qu’on ait  un effet de masse suffisant pour avoir la qualité attendue.  C’est pour cette raison qu’il est aussi compliqué de fabriquer des tout petits volumes : il faudrait des équipements différents avec des coûts différents. Donc c’est vraiment une contrainte industrielle, nous serions ravis de travailler avec des petits créateurs, malheureusement nous ne pouvons pas répondre à leur demande en direct.

Vous collaborez depuis maintenant 2 ans avec adapta_, et vos cuirs font partie des 10% les plus qualitatifs de France, est ce que vous, pouvez nous parler des motivations qui vous ont poussées à travailler avec nous ?

On sait que nos contraintes industrielles peuvent être un problème pour avoir accès à nos cuirs pour des jeunes créateurs. Ce qui est intéressant dans votre démarche c’est justement de pouvoir, par votre intermédiaire, en donner l’accès. C’est une démarche qui nous a beaucoup intéressé car on trouvait qu’elle avait beaucoup de sens : réutiliser des matières qui sont qualitatives et leur donner une seconde vie. C’est extrêmement intéressant car ça donne une nouvelle dimension à des cuirs qui sont inutilisés et ça nous ouvre un marché auquel nous n’avions pas accès.

Quels sont vos projets, comment voyez–vous l’avenir pour les tanneries Haas, même dans cette période incertaine ?

Nous traversons effectivement une période d’incertitude et il est très difficile de se projeter à court et moyen terme. Nous devons être réactifs, souples, créatifs, et proposer de plus en plus de nouveautés auprès des créateurs. Nos équipes de recherche et développement travaillent en permanence sur de nouveaux projets. 


Merci de nous soutenir !